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L'enjeu de sécurité alimentaire en Algérie
I/. Production agricole et besoins alimentaires
L’enjeu de sécurité alimentaire est vital pour le devenir du pays, car les besoins de la population en produits agricoles, notamment en céréales, accroissement au rythme de l’évolution démographique.
Certes, depuis les années 2000, la production maraîchère, arboricole et céréalière a très sensiblement accru, sous l’impulsion des montants alloués chaque année à l’investissement agricole et hydraulique.
Les budgets d’investissement agricole ont progressé de 450 millions de dollars annuellement, dans les années 2000, à plus de 2,5 milliards USD/an, entre 2010 et 2014.
Avec la crise pétrolière de 2014, ils se sont repliés autour d’une moyenne de 1,2 milliards USD/an.
Bien que ces investissements aient amélioré la productivité des facteurs en général, sur les dix dernières années, la balance agricole et alimentaire est demeurée durablement déficitaire (- 11 milliards de dollars en 2011 et une moyenne de 10 Mds USD, à nos jours).
Ce déficit durable, est-il le signe que le potentiel productif de l’agriculture algérienne ait atteint son apogée avec les récents résultats de production ? Les chiffres et les données qui suivent éclairent cette problématique.
Année |
Crédits paiements |
Total budget équipement |
% du secteur agriculture hydraulique |
|
|
|
|
2016 |
271 432 500
|
3 176 848 234
|
8,54
|
2017 |
151 655 000
|
2 291 373 620
|
6,61
|
2018 |
157 775 000
|
4 043 316 025
|
3,90
|
2019 |
235 599 403
|
3 602 681 942
|
6,53
|
Source : loi de Finances- Mds DA.
Le tableau affiché illustre l’évolution des crédits de paiements, tels qu’ils apparaissent dans les lois de Finances.
A suivre....
Vingt ans après la mise en œuvre du premier programme de développement de
l’agriculture (PNDA), sommes-nous entrain de recueillir les
fruits de cet intense investissement ?
Indéniablement, les montants annuels alloués ont généré une dynamique qui se traduit par un taux de croissance supérieur à celui des autres secteurs, ainsi qu’une une nette amélioration de la productivité de la terre.
Depuis trois ans, les volumes et la valeur de la production agricole sont relativement stables.
Est-ce à dire que nous Avons enclenché la dynamique permettant d’amorcer une transition vers une sécurité alimentaire pour les prochaines décennies, en parallèle à une démographe qui, elle, est stable dans son évolution ?
En 2020, la production agricole affiche un taux de croissance de 12, 4% du PIB national. Il était de 12,3% en 2019, ce qui place le secteur de l’agriculture à la tête du peloton des activités, devant l’Industrie et le Bâtiment.
Ce résultat est principalement imputable à l’accroissement de la production maraîchère et animale, sur une surface cultivée en irrigué équivalant à 5% de la surface agricole utile (SAU); 15%, si nous y ajoutions les surfaces arboricoles : oliviers, dattiers et arbres fruitiers.
En 2020, les terres irriguées couvrent une surface de 1,43 millions d’hectares, sur un total de
8,5 millions d’hectares de la surface agricole utile (SAU).
Selon les chiffres communiqués par le ministère de l’Agriculture pour 2020, la valeur de la production agricole globale équivaudrait à 25 milliards de dollars. Un résultat certes remarquable, s’il ne suscitait quelques réserves auprès de certains de nos experts.
Valeur de la production |
agricole |
Période 2018 2019 2020 |
Valeur 28,0 29,1 25,0 |
|
|
Tab 2. En milliards de dollars. Source : MADR.
Tachons de comprendre la signification de ce résultat de 25 milliards de dollars engrangé en 2020.
Au prime abord, ce montant implique une productivité de la terre à l’hectare exceptionnellement élevée. Rapporté à la totalité de la SAU, il nous donne une productivité l’ordre de 3000 $/h. Et comme la portion des terres en jachère représente quelque 37% de la SAU, autant dire que cette productivité explose !
Rappelons qu’en 2013, alors que les investissements dans ce secteurs étaient au plus haut, comme évoqué en introduction, grâce aux ressources du pétrole, la productivité représentait 208 $/h.
Pour bien apprécier cette variable qu’est la productivité de la terre, des comparaisons sont utiles.
Pour l’exemple, en 2019, les pays de l’Union Européenne ont réalisé ensemble une valeur de 418 Mds $, sur une surface agricole exploitée de 173 millions/h, ce qui donne une productivité à l’hectare de plus ou moins 3000 $.
Autre exemple, le Brésil qui dispose de 80 millions /h de terre arable, réalise une production moyenne de 64 Mds$, pour une productivité, en gros, de 800 $/h.
Donc, avec des valeurs de 25, 28 et 29 Mds $, nous serions aussi compétitifs que l’Union Européenne, et nous produirions autant que le Royaume Uni, ce qui laisse sceptiques un certain nombre de nos experts ; ils s’interrogent sur le bien fondé des méthodes de conversion des volumes de production en valeur monétaire.
Est-il possible que le ministère de l’Agriculture surévalue en monnaie les volumes de production réalisés, par méconnaissance de tous les paramètres intervenants dans ce type de calcul ?
La question reste posée, d’autant que certains considèrent que la valeur de cette production n’excéderait guère raisonnablement 05 Milliards/$.
Ceci étant, ce qu’il nous importe de comprendre, ce sont les défis que doit relever l’agriculture algérienne pour garantir la sécurité alimentaire du pays, sur les deux ou trois prochaines décennies, voire au-delà.
Céréales et blé tend : état des lieux
Cette culture représente la moitié de la SAU, avec plus de quatre millions d’hectares lors de la campagne 2020/2021. Elle est essentiellement localisée dans les zones arides et semi-arides du Tell, dans les hauts plateaux subarides et dans certaines zones du littoral.
Soixante dix pour cent (70%) des surfaces céréalières sont localisées dans les zones à faible pluviométrie, avec un maximum de 450 mm/an. Lors des cinq dernières campagnes agricoles, la pluviométrie n’a guère excédé 300 mm, aussi, les rendements moyens à l’hectare évoluent-t-ils entre 14 et 21 q/h. Toutefois, en 2020, ils sont de 10q/h, pour une production voisine de quatre millions de tonnes(4M/h).
Production de blé
Année |
Total Blé |
Blé dur |
Total des céréales |
2016 - 2017 |
3,48 |
02 |
3,5 |
2017 - 2018 |
2,4 |
3,2 |
60,51 |
2018 - 2019 |
3,94 |
3,15 |
|
2019 – 2020(estim) |
3,95 |
±3,1 |
5,95 |
2020 – 2021(estim) |
±3,75* |
3,1 |
5,8 |
|
Millions de tonnes |
|
Elaboré par recoupement des statistique MADR – FAO - *estimations USDA.
Selon les années, les volumes de blé produits couvrent entre 30% et 36% des besoins de la population, aussi sommes-nous dépendants à plus 72% des grands pays céréaliers. Mais pour le blé tendre notre dépendance des marchés extérieurs est de l’ordre de 90%.
Projections MADR - production & consommation
Ressources
|
Besoins 2019 |
|||
Total (M.q) HB |
% |
Total (M.q) HH |
% |
|
BLÉDUR |
|
|
|
|
Production nationale |
29,0 |
64% |
45,0 |
99% |
Importations |
16,4 |
36% |
0, 4 |
1% |
Total |
45,4 |
100% |
45,4 |
100% |
BLÉ TENDRE |
|
|
|
|
Production nationale |
15,0 |
23% |
19,0 |
29% |
Importation |
50,4 |
77% |
56,4 |
71% |
Total |
65,4 |
100% |
|
100% |
BLÉDUR + BLÉ TENDRE |
|
|
|
|
Production nationale |
44,0 |
40% |
64,0 |
58% |
Importations |
66,8 |
60% |
46,8 |
42% |
Total |
110,8 |
100% |
110,8 |
100% |
Évaluation des besoins sur la base des productions 200 0– 2012 & 2009 – 2012.
Source : adapté de MADR 2013, non publié.
Ce tableau illustre les estimations de la production et les besoins de la population en 2019/2020, effectuées par le MADR, sur la base des résultats de la période 2000 /2012. Estimations pertinentes, notamment l’anticipation de l’autosuffisance en matière de blé dur.
Importation de blé français
Période |
Origine France |
Origine Autre |
2017 - 2018 |
4,3 Mt |
8,7 Mt |
2018 - 2019 |
5,1 Mt |
6,5 Mt |
2019 - 2020 |
4,6 Mt |
10,3 Mt |
En millions de tonnes. Source : France export céréales. Chiffres arrondis
L’insuffisance de la production locale en blé tendre est compensée par l’importation. En la matière le blé français a la prédilection de l’OAIC. Le tableau affiché renseigne sur les volumes importés entre 2017 et 2020.
En moyenne, jusqu’à 2015, l’Algérie importait 8 Mt de blé par an, toutefois en 2015/216 / 2017, un plafond est atteint, comme l’indique ce tableau ci-dessous :
Importations globales de blé
Année |
Qte /T |
Coût /$ T |
Facture annuelle Mds USD |
2015 |
13,38 |
343 |
x |
2016 |
13,22 |
271 |
2,81 |
2017 |
8,7 |
x |
2,77 |
2018 |
6,5 |
x |
2,82 |
2019 |
10,3 |
237,5 - 245 |
2,71 |
2020 |
4,9 |
312 - 314 |
2,8 |
2021 |
|
(estim) 323,3 |
2,85 |
Source : MADR – CNIS. * Estimation USDA.
Comme représenté dans le tableau, les importations globales seraient les suivantes : 8,7Mt en 2017/2018 ; 6,5Mt en 2018/2019 19. 10,3Mt en 2020 .
Pour 2019/2020, le Département américain de l’agriculture (USDA) estimait jusqu’à 7,54 Mt le volume à importer et prévoyait, pour la période 2020/2021, l’achat de 5 à 8Mt de blé tendre, orge et avoine.
A suivre...
Résumons les caractéristiques du marché algérien du blé…
Le marché du blé en Algérie se caractérise ainsi :
- Ratio de dépendance des marchés extérieurs : 70% à 90%.
- Ratio de Satisfaction des besoins par la production locale : 34% à 36%.
- Consommation annuelle de blé tendre, blé dur et orge : 10 à 11 Mt.
Surfaces emblavées (ensemencées) :
- 2016 – 2017: 3, 5 M/h
- 2017 – 2018: 3, 4 M/h
- 2018 – 2019: 4, 1 M/h
Comme il apparaît, en 2017/2018, les importations sont nettement au dessus des besoins. Il est vrai que, plus l’OAIC importe de blé et plus elle touche de subventions, ce qui nous rappelle la corruption qui gangrène cette filière, notamment avec la pratique des surfacturations et autres fausses déclarations.
Pour la campagne 2020/2021, les prévisions du Département américain pour l’agriculture évoquent un volume de production de 3,75Mt - autour de 40 Mq, ce qui représenterait une baisse de production de (- 5,1%).
Globalement, depuis cinq ans, la production moyenne se stabilise autour de 40 millions de quintaux —2017 et 2021.
Résumons la situation.
Première observation :
Depuis le premier programme de développement agricole (PNDA 2000 – 2010), les progrès techniques et économiques introduits ont permis d’accroitre simultanément les surfaces ensemencées ainsi que la production. Cette croissance a accompagné jusqu’à un certain point le rythme de progression de la démographie.
Le tableau qui suit éclaire sur ce point…
Progression des données en moyenne décennale :
Période |
Surface En millions d’hectares |
Production Moyenne En millions de quintaux |
Population Accroissement en millions |
2000 – 2009 |
3 200 930 |
32,6 |
de 31 à 36 |
2010 – 2017 |
3 385 560 |
40,2 |
de 36 à 41,5 |
2018 - 2021 |
4,1 |
40,0 (P) |
± 45 |
Source : MADR. (P) prévision.
Seconde observation :
Le tableau fait ressortir qu’à partir de 2018 et jusqu’en 2021, l’écart tend à se creuser entre la production de céréales et l’évolution de la démographie.
Cela veut dire que les besoins de consommation de blé tendre seront de plus en plus élevés, par conséquent des volumes importés de plus en plus importants.
Revenons à présente à la démographie.
Selon les prévisions de l’ONS, en janvier 2021, la population totale aurait atteint 44, 7 millions, et, selon d’autres prévisions, elle accroitrait à près de 48 millions en 2025.
Considérons à présent les estimations :
Prévisions de croissance démographique :
Selon les prévisions de l’ONS :
- 2030 : 51 millions.
- 2040 : 57 652 000.
- 2050 : 70 millions.
Ces chiffres nous renseignent sur les défis majeurs qui attendent l’Algérie en matière de sécurité alimentaire et d’équilibre des ressources financières.
Dans un prochain chapitre nous évoquerons les principaux facteurs qui limitent l’essor de la production agricole :
L’instabilité législative, la corruption foncière et aval de la filière céréalière, les conditions climatiques défavorables, etc., mais aussi la question des réserves aquifères et leur pollution, le morcellement des exploitations, les méthodes de collecte… FH.