Le roman historique d'Alger.
Le récit d’al-Djazâ’ïr
Sous le ciel de la cité d’ivoire
(1815 – 1830)
Récit douzième
En retirant aux Français le privilège considérable et exclusif du commerce de l’est, et en l’attribuant aux Anglais, Ahmed Bâcha offrit à ces derniers l’opportunité de réduire l’influence française dans la Régence. La cour de Carlton-house était prête à payer une redevance bien plus élevée que ne payaient les Français, pour en posséder l’exclusivité.
Hier soir, ben Fudhîl me fit parvenir un mot, par lequel il me priait de le retrouver au consulat de Grande-Bretagne, où je devais être reçu par le consul général Hugh Mac Donell. Mon ami prévoit d’embarquer dans les prochains jours sur un navire de commerce à destination de Gibraltar et de là, il poussera vers Naples, si nul imprévu n’aura surgi d’ici là ; il prévoit de faire la traversée en compagnie de Bouderbah. La traversée n’est toutefois pas sans périls, une rencontre malencontreuse avec des corsaires espagnoles, grecs ou maltais est du domaine du possible, c’est pourquoi est-il nécessaire de se munir d’un passeport qui autorise de voyager sous la protection du pavillon anglais.
Deux années plutôt, une trêve est conclue entre le Dey et la maison des Bourbon[1], grâce aux bons offices des Anglais. Cependant, la paix proprement dite, qui mettrait à l’abri de nos corsaires les bateaux de commerce napolitains, peine à entrer en vigueur et tout négociant ou ressortissant de la Régencese rendant à Naples, se doit de se faire délivrer un passeport émis par le consulat britannique.
Je me rendis au consulat en début de matinée, où Je fus accueilli dans l’antichambre du grand salon. Après un court moment, un secrétaire entra et m’annonça que son Excellence allait me recevoir et me pria de le suivre dans le grand salon de réception.
« Excellence ! » dis-je, en entrant, tout en saluant en inclinant la tête. Le consul me tendit la main. Bien calé dans une chaise rembourrée, ben Fudhîl remua, puis me gratifia d’un sourire. Je fus convié à m’asseoir. Le consul sonna une petite cloche posée sur la table basse et aussitôt un serviteur de type européen entra, impeccable dans sa livrée immaculée ; il me servit délicatement. Je le regardais avec insistance, étonné de voir un européen au rang de serviteur, dans une maison consulaire. Le consul me dévisagea et, devinant à mon expression une muette interrogation, il s’empressa d’expliquer : « C’est un esclave chrétien qui m’a été offert par le Dey. Mais à présent, c’est un homme libre.
— C’est une marque de considération, dont le Dey n’est guère prodigue, commenta ben Fûdhîl.
— C’est en effet une façon de vous honorer, Excellence, rares sont les consuls qui s’en prévalent, ai-je renchéri.
— Il est vrai que depuis Ahmed Bâcha, enchaîna Mr. Mac Donell, le consul de sa Majesté Georges III bénéficie de la bienveillance des Deys et des membres du Diwân.
— À ce propos, vous autres Anglais êtes plutôt déroutants, fis-je hardiment. Votre commerce avec la Régence est insignifiant et vous n’êtes préoccupés que par le maintien d’une rivalité tenace avec les Français, pour des considérations de prestige et de préséance consulaire.
— Votre analyse est très réductrice, mon jeune ami, répliqua le consul, amusé.
— Une certitude, Excellence, aujourd’hui encore, le commerce avec la Régence n’est guère votre motivation principale, sinon comment expliquer le peu d’ardeur à accepter l’avantageuse offre commerciale qu’Ahmed Bâcha fît, en 1806, à votre prédécesseur, Mr. Blankley[2] ?
— Tout cela est exact, Mr. Blankley jouissait alors des faveurs du Dey Ahmed, et il avait la préséance au Diwân, convint le consul. C’était en effet un personnage remarquable dans son genre, prêt à se livrer volontiers à tous les mauvais jeux d’émulation avec le consul français. »
Ahmed Bâcha était en effet reconnaissant à Georges III de l’appui qu’il lui avait apporté, lors de la guerre contre Tunis ; Mr. Blanckley, alors consul général, se vit en effet proposer la cession [à l’Angleterre] du droit exclusif de commercer avec Bône, coloniser et posséder le bastion d'al-Calla et les pêcheries de corail, précédemment exploités par les Français.
Le consul, surpris par cette offre inattendue, eut ce mot : « Je vous prie de m’accorder du temps, effendy, je dois en référer au Premier ministre, Lord Liverpool… » Pour le Dey, il était impensable qu’une telle offre fût refusée ; il s’indigna : « Du temps, dites-vous ! D’avoir été privés d’un tel avantage, les Français en crèvent ! Avez-vous seulement conscience des risques que je prends en disposant de la sorte des ressources du Trésor de l’Odjak ?! Que les Janissaires viennent à le savoir et mes jours sont comptés. »
Il est en effet consigné dans les annales du consulat, que Mr. Blankley avait dû se mordre la lèvre pour ne pas rire ; le Dey comptait lui vendre très cher, ce qu’il présente comme une offre lucrative, motivée par l’amitié qu’il témoignait à sa Majesté. Blanckey ne pût s’empêcher d’avoir cette réflexion, in petto : « Toi, c’est ton Bueno amigo el Rey Giorgio, comme tu aimes à le répéter, que tu veux gruger. » songea Blankley. »
La décision prise par Ahmed Bâcha est soutenue par des considérations tant politiques que financières. Elle dépossède le commerce français de ses possessions anciennes : le bastion de France, le fort de la Calle (le droit de tenir une garnison), le cap Roux, le cap Rose, le cap Nègre… L’industrie (pêche) de transformation du corail génère un revenu de plusieurs millions de francs, que les Français sous-traitent avec les Italiens.
Au vrai, les Anglais ont de tout temps manifesté un intérêt médiocre pour le commerce avec la Régence ; de même, ils n’attachèrent, durant les deux siècles écoulés, que peu d’importance à la qualité de leur représentant consulaire et mirent peu de soins à leurs relations avec les Deys. Quelques projets tentés par des consuls, en vue d’obtenir des concessions commerciales, ne furent guère encouragées par le cabinet de Londres.
Ils demeurèrent des décennies durant sans représentation consulaire officielle. À une certaine époque, fut désigné aux fonctions de consul, l’unique négociant résident dans la cité, dont les compétences en ce domaine étaient pour le moins médiocres, ce qui lui valut d’entrer en conflit avec les Deys.
Les grandes puissances sont encore prêtes à subir les exigences des Deys et endurer avanies et vexations pour être associées à la pêche du corail, au commerce du blé et des autres produits de la Régence. Quant aux petites puissances européennes, elles sont disposées à tous les compromis pour être autorisées à utiliser nos ports et y maintenir leur commerce avec le Levant. Les rares commerçants anglais présents dans la cité furent durablement exclus des concessions lucratives, dont profitent les négociants français.
Entraîné par ma hardiesse, Ben Fûdhil lança au consul :
« Si nous excluions l’intérêt proprement commercial, il ne resterait, en fait, que des objectifs d’ordre militaire : le maintien d’un équilibre des forces navales qui vous est favorable sur le long terme, et naturellement la possession de Gibraltar et Malte pour garantir le contrôle des voies de passage vers l’Océan. Je ne doute pas que les Deys comprennent vos préoccupations de suprématie.
— La vérité, avoua le Consul, est que nous avons sans cesse œuvré à instaurer en notre faveur un équilibre des forces en Méditerranée. Et nous tenons, aujourd’hui encore à le préserver !
— Et c’est là qu’al-Djazâ’ir intervient comme un rempart, s’exclama mon ami ! Depuis votre retour en force à l’issue de la guerre de sept ans, notre Marine et nos Raïs n’ont eu de cesse de contribuer, de ce côté-ci de la Méditerranée, à parachever votre suprématie. Vous deviez en retour contribuer à préserver la capacité offensive de la Marine d’al-Djazâ’ir, pour mener à bien vos objectifs hégémoniques. En convenez-vous excellence ?
— C’est bien, je crois, ce que vous fîtes, il ya cinq ans, lorsque les affrontements étaient au paroxysme dans l’océan et que la plus-part des navires des états neutres en furent chassés !
Sir Hugh Mac Donell esquissa un sourire, l’œil hypocrite ; il redressa les épaules, un tantinet arrogant, et commenta :
« Les navires de la Régence manquaient alors cruellement de poudre, de boulets, de matériaux et de cordages et de mâture. Vos tributaires, dont les Américains, n’étaient pas en situation de vous fournir l’approvisionnement naval et militaire convenu dans les traités signés…
— Vous répondiez ainsi au vœu du Dey Hadji Ali de relancer la course en mer, en envoyant deux gros navires et un brick chargés de minutions et matériel de guerre, coupa Ben Fûdhil ! Ce faisant, vous vous êtes ingénié à raviver l’inimitié du Dey contre Américains, au point qu’il exigea de notre valeureux corsaire, Raïs Hamidou, de lui capturer une frégate naviguant sous le pavillon des États-Unis. »
Nos visas délivrés, nous quittâmes le consulat. Je n’arrivai pas cependant à me libérer d’une impression de duplicité que je cru déceler chez le Consul. Mon ami Bel Khûdja m’avait un jour laissé entendre qu’il avait suggéré au Dey de se méfier des Anglais, car leurs relations avec la Régence sont commandées par leur rapport de force aux autres puissances. Or, tant que durait la guerre avec les États-Unis, guerre dans laquelle la France prit une certaine part, de même que l’Espagne et la Hollande, le gouvernement de Sa Majesté était de notre côté. Mais, aujourd’hui, avec la chute de Bonaparte et la fin des guerres d’empire,… et l’établissement du Congrès de Vienne, que faudrait-il en attendre… ?
En retirant aux Français le privilège considérable et exclusif du commerce de l’est, et en l’attribuant aux Anglais, Ahmed Bâcha offrit à ces derniers l’opportunité de réduire l’influence française dans la Régence. La cour de Carlton-house était prête à payer une redevance bien plus élevée que ne payaient les Français, pour en posséder l’exclusivité.
— Il faut reconnaître, Excellence, que votre bienveillance intéressée a contribué à conforter les Deys dans un sentiment de puissance surfaite, en leur offrant une paix défensive ; la contrepartie était l'espoir de voir la Régence respecter les traités de paix signés avec vous et vos protégés[3] ?
— Vous évoquez en vérité la lettre adressée par le prince régent au Dey, rétorque vivement le consul, et dont il convient que je vous en explicite l’essentiel :
« La lettre rappelle que quiconque s’est opposé à la puissance de la flotte de guerre de Sa Majesté en avait jusqu’ici payé le prix. Aussi, conviendrait-il d’éviter de la subir en se gardant de contrevenir aux engagements souscri par la Régence. C’est à ce prix seulement que Sa Majesté consentirait son amitié. Est-ce cela, une paix défensive ?
— Cela ressemble plutôt à une menace, on ne peut plus explicite, ai-je confirmé.
— Je doute que le Dey l’eût compris tel que vous le suggérez, protesta Mac Donell.
Le sourire au coin, Ben Fûdhil ne put s’empêcher de railler les derniers propos du consul :
« Notez bien que c’est également une offre de paix que sont venus proposer les Américains, sauf qu’en dirigeant le canon sur notre cité, après avoir hélas vaincu le meilleur de nos corsaires, ils ont été plus explicites. »
Je saisis la perche tendue par mon ami pour engager le Consul sur la conclusion de la guerre entre la Régence et les États-Unis : « Cette histoire de blocus américano-hollandais n’est pas loin de susciter des troubles, ce que le Dey redoute souverainement.
— Oui, c’est en effet fâcheux ! La colère populaire a souvent eu des conséquences imprévisibles sur nous tous, en particulier les chrétiens résidents, » commenta avec gravité le Consul. »
Après un bref silence, j’ajoutai :
« La vigilance de vos espions est somme toute vaincue. La plus puissante Marine de guerre en Méditerranée et sur l’océan n’a rien vu venir ! Sans quoi, le Dey l’aurait su, n’est-ce pas ?
— C’est plus que ma position ne me permet de vous révéler, confessa Mac Donell. Vous êtes néanmoins dans le vrai sur un point : l’ordre d’envoi de l’escadre américaine vers les côtes de la Régence avait été entourée du plus grand secret.
— Cette jeune nation est surprenante, insinuai-je, sournois. En vingt ans d’indépendance, elle fit aboutir des avancées techniques extraordinaires, notamment dans la marine de guerre, et les perfectionnements accomplis dans l’architecture navale sont impressionnants !
Il se raidit et me jeta un regard froid. Perfide, j’enfonçai le bouchon :
« N’est-ce pas, Excellence, ce qui détermina l’issue de la guerre d’indépendance et l’offre de paix que vous fîtes au gouvernement des États-Unis ? Qui aurait cru à ce dénouement ? La Marine de cette jeune nation n’opposait alors à vos forces que quelques bâtiments armés et une poignée de bateaux corsaires ! Si cette guerre avait duré, votre commerce en aurait lourdement souffert sur l’océan… »
Les traits légèrement tirés, Mac Donell se leva et se dirigea vers la vaste fenêtre faisant face à la rade ; les mains appuyées au large rebord intérieur, il se laissait aller à la contemplation ; sa tête esquissait un imperceptible mouvement, comme s’il redessinait mentalement la large courbe de la baie.
Réfugié dans une attente avide, je l’observai ; l’expression hautaine, il se retourna :
« Mesurez l’étendue de cette baie ! elle ne suffirait pas à contenir les quatre cents vaisseaux, frégates et corvettes armées en guerre qui constituent nos flottes. L’étendue du négoce britannique couvre l’Inde, le reste de l’Orient et les côtes africaines !
Vingt mille de nos bateaux de commerce sillonnent mers et océans. Naturellement, à une telle échelle, la piraterie en profite, car on ne peut raisonnablement envisager de faire accompagner toutes les caravanes de commerce par des croiseurs de guerre. »
Je me levai à mon tout et le rejoignis à la fenêtre :
« N’est-ce pas une motivation pour faire la paix. Que feriez-vous face à la multitude de corsaires français et américains… Comme vous le soulignez vous-même, l’étendue de votre commerce fait sa vulnérabilité.
»Vous êtes vulnérables sur toutes les mers, mais c’est au Pacifique que vous avez le plus soufferts pendant toute la durée de la guerre avec les États-Unis. Ces derniers trouvèrent une aide précieuse auprès des Français, dont les légions de corsaires écument les mers. Bien sûr, au Levant, vous avez su ravir la suprématie commerciale aux Français, mais au prix le plus fort ! »
Ma liberté de ton a quelque peu agacé Mac Donell. De nouveau, il laissa s’épandre son regard au-delà de la baie, vers l’horizon. Sans se retourner, d’une voix faible, mais chargée de reproches, il questionna :
« Seriez-vous comme ces Français, qui croient que l’issue de la guerre contre les Américains remet en cause notre suprématie navale ? Sachez jeune homme que les flottes de Sa Majesté ont résisté à l’acharnement de trois puissantes Marines de guerre !
— Laissons aux amiraux français, hollandais et espagnols le soin de débattre du bien-fondé de ce fait, rétorquai-je.
— Pour votre gouverne, ce sont nos amiraux qui donnèrent le ton, prirent souvent l’initiative des attaques et refusèrent à leur convenance le combat… ! Nos cuirassés doublés de cuivre sont bien plus redoutables que les navires tout de bois de nos ennemis, » soutint Mac Donell d’un air sec, qui confine à l’outrecuidance.
Cette attitude fit naître en moi l’envie de le piquer au vif. Et, sans le vouloir, il m’en donna l’occasion : « Pardonnez-moi ma hardiesse, Excellence, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’une poignée de corsaires et quelques vaisseaux de guerre vous ont néanmoins forcé à faire la paix. Les Américains vous ont frappé là où cela fait le plus mal : votre commerce. »
Il gémit : « Hélas ! je dois l’admettre.
Déterminé à l’accabler, j’ajoutai : « Les Américains voulaient leur indépendance, et ils l’ont eue ! La paix signée en 1783 avait été élargie aux autres puissances, dont la France, la Hollande et l’Espagne.
Dans le fond, cette paix vous est plus favorable ! Surtout que vous n’ignoriez certainement pas que le président Washington mûrissait le projet d’une puissante flotte de guerre et de commerce, que seule la modicité des ressources du Trésor de l’Union avait mis en attente. »
Le Consul paraissait déconcerté autant qu’étonné par ce qu’il supposait être de la sympathie à l’endroit des Américains, alors même qu’ils se présentaient en ennemis aux pieds de nos murailles ; j’ajoutai :
« Comme tout a changé en si peu de temps ! Nos corsaires regrettent le temps où ils franchissaient le détroit de Gibraltar vers l’océan pacifique et les mers du nord, là où précisément les bateaux de commerce américains offraient de bonnes prises et de riches dépouilles. Songez qu’ils ne possédaient pas alors le moindre croiseur susceptible de s’opposer à nos Raïs.
— Réfrénez votre exaltation et souvenez-vous que nous avons rendu possible l’ouverture du passage vers le Pacifique ! fit-il sur un ton qui se voulait complice.
— Qui l’oublierait, Excellence ! Et nos corsaires furent, tout au long de votre guerre contre les Américains et les Français, des alliés en Méditerranée. Cependant, votre marine et vos corsaires, bien que nombreux et disposant d’une redoutable puissance de feu, subirent bien des déconvenues.
— Ah, oui ! Et qu’en savez-vous ? murmura-t-il.
— Lors de cette guerre, treize combats d’escadre finirent à votre désavantage. Vous aviez besoin de nos corsaires pour affliger le commerce américain. N’est-ce pas ce que vous souhaitiez lorsque, en 1793, vous aviez mis fin à la guerre entre la Régence et le Portugal ?!
— En effet, nous ouvrâmes à vos corsaires la voie vers le Pacifique, et ils ont en tiré le plus grand profit ![4]
Ben Fûdhil souriait, et s’amusait de la tournure que prenait ce dialogue. Naturellement, le consul général d’Angleterre ne révèlerait pas que nos corsaires avaient d’une certaine façon participé à la guerre mené contre les États-Unis !
Les passeports remis, nous quittâmes le consulat. Sur le chemin du retour, mon ami et moi reprîmes le fil de la conversation.
(A suivre) Fodil Hassam
[1] - Capitaine du Port.
[1]- Hôtel de la Marine.
[1]- Hugh Mac Donell cumule la charge de consul-général du Royaume des Deux-Siciles auprès de la Régence.
[2]- L’offre a été ratifiée par le traité du 09 janvier 1807, à l’insistance menaçante du Dey.
En 1825, la pêche du corail employa 183 bâtiments du port de 1,791 tonneaux, et montés par 1,986 hommes d’équipage : le produit brut est de 25,985 kilogrammes, d’une valeur de 1812, 450 francs. Une fois travaillée, cette quantité devait représenter une valeur bien plus importante.
La presque totalité de ces bâtiments sont italiens, mais tous payent une redevance à la
France. Cette année-là, la vente des marchandises françaises représente 38 000 francs.
[4]- En 1793, lors de la troisième année du gouvernement du Dey Sidi Hassan, al-Djzâ’ïr, en guerre contre le Portugal, accepte de conclure une trêve par l’intermédiaire du gouvernement anglais. Sidi Hassan voulait cette trêve, car les portugais tenaient une croisière qui interdisait l’accès du détroit de Gibraltar, empêchant ainsi les navires de la Régence de naviguer dans l’océan, là où les bateaux marchands américains naviguaient sans protection.
Lourdement endettée à sa sortie d’une guerre coûteuse, l’Amérique n’avait pour ainsi pas de force navale. Dès la conclusion de la trêve avec le Portugal, nos corsaires naviguère aussitôt vers l’océan.
« C’est vrai que grâce aux Anglais, les Raïs firent de riches prises américaines, remarqua Ben Fûdhil, avant de m’interroger : « Sais-tu quel a été le butin de la première croisière de 1793 ? Onze bâtiments marchands et des dizaines d’esclaves ! Mais ce n’est pas le consul qui nous révèlerait que le gouvernement de sa Majesté Gorges III instrumentalisé nos corsaires contre son ennemi d’outre Atlantique. »
Aussi, pour sécuriser le commerce de son pays, sérieusement menacé par les Raïs, Georges Washington accepta à cœur défendant les conditions d’un traité de paix assorti d’un tribut annuel de plus de 720 000 dollars, qui mettait les finances publiques de l’Union à rude épreuve[4]. Ces développements contentaient grandement les Britanniques.
Cette conclusion satisfaisait l’Odjak, et Baba Hassan avait ainsi gouverné huit ans durant dans les bonnes grâces des Janissaires. Les États-Unis devaient pourtant subir un ultime défit lorsque Baba Hassan avait exigé en lieu et place du tribut annuel, la construction d’une frégate armée.