Yasmina ne put réprimer le sanglot qu’elle retenait. Un douloureux pressentiment terrassa son être...
Roman historique
Le récit d’al-Djzâ’ïr
Dans les rues de la cité d’ivoire
(1815 – 1830)
Récit huitième
Nous atteignîmes bordj J’did. Sous sa voûte, l’air est délicieusement rafraîchi par les courants marins qui courent le long des corridors reliant les forts entre eux jusqu’aux vastes magasins voûtés destinés à l’entreposage des mâtures.
Raïs Allouache et moi passâmes un long moment à l’extrémité du môle. En face, les pieds dans les flots, la cité s’apprêtait à recevoir la parade du clair obscur qu’orchestre chaque soir le crépuscule qui, déjà, étreint la mer
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uant Raïs Hamidou s’est vue refuser l’accès du palais et qu’on lui signifia le refus du Dey Omar de le recevoir, il eut subitement peur pour sa vie. Il s’empressa alors d’aller rejoindre la belle et douce Yasmina, son épouse bien-aimée. Chemin faisant, il sentait l’ombre menaçante d’Ali le poursuivait, et il ressentit un besoin lancinant de se confier sans plus tarder à sa compagne.
Dès qu’il fût auprès d’elle, il prononça à brûle pourpoint : « Le vil personnage, lui dit-il, voilà qu’à présent il s’emploie à me dépeindre en poltron. Il n’hésitera pas à recourir aux méthodes les plus abjectes pour me nuire ! Yasmina prit ses mains et l’enveloppa d’un regard tendre où se lisait une souffrance il commensurable ; d’une » voix qui n’est plus qu’un souffle, elle supplia : « Ne reprends pas la mer, mon doux amour, un mauvais pressentiment étreint mon âme. Tu n’a plus rien à prouver ni au Dey ni à ce misérable Ali et ses acolytes.
— Ce n’est pas aussi simple, ma douce Yasmina, je ne puis me dérober au défi que le Dey m’a lancé, car notre fortune ou infortune dépendront des décisions que je prendrai dans les heures qui viennent. La nuit leur sembla courte, tant l’incertitude du lendemain les rongeait.
À l’aube, le cœur serré il se glissa avec d’infinies précautions hors de leur couche, s’efforçant de ne pas réveiller Yasmina, afin de lui épargner la douleur de la séparation, mais il ne résista au besoin impérieux de poser délicatement sa main sur son ventre rebondi et ressentir les pulsions d’une nouvelle vie qui éclot, celle de son troisième enfant qu’il ne verra pas naître. En entendant la lourde porte d’entrée se refermer, Yasmina ne put réprimer le sanglot qu’elle retenait. Un douloureux pressentiment terrassa son être et la blessa jusqu’à faire saigner son cœur : « Il ne reviendra pas cette fois, » se murmurait-elle, la voix brisée par l’émotion.
Yasmina tomba dans une prostration qui dura sans doute plusieurs heures. Quant elle recouvrit ses esprits, elle se redressa précipitamment, mis le pied hors du lit baldaquin et se dirigea vers la terrasse d’où elle espérait voir encore la frégate de son homme quitter le port et s’éloigner vers l’Est. Elle restait là fixant la ligne horizon où s’accrochait le soleil levant, absente, le corps replié dans une posture d’envol, comme si elle s’apprêtait à rattraper son esprit qui déjà avait rejoint le spectre de voilure dissipée au-delà du cap Tamendefoust.
Subitement, elle recouvrit ses esprits et se redressa ; au loin, la mer s’illuminait des premiers rayons vermeille. « C’est sa réussite et sa gloire qui le perdront, se disait-elle, car il a oublié la cupidité, jalouse, la haine et la cruauté des Turcs qu’il avait tant éprouvés lors de son exil.»
Dans un passé proche, le Dey Hadji Ali avait en effet ordonné son éloignement à Beyrouth, avant de se rendre compte qu’en l’exilant il s’aliénait les richesses qu’il grâce déversait sur le Trésor. Ceux qui attisèrent l’hostilité du Dey étaient pareils à ceux qui, aujourd’hui encore, attisent contre lui l’hostilité de Omar Bâcha.
De nouveau, le regard égaré dans le vide incommensurable de cette mer aux reflets sanglants, Yasmina poursuit son monologue :
« Tu étais crains ! On t’attribuait des ambitions pour le pouvoir ? N’as-tu pas été impliqué dans un projet de complot, mon bien-aimé ? Qui as-tu contacté parmi les espions, les étrangers ou les consuls ? Je ne le saurais jamais, car pour me protéger, tu me tins éloignée.
Mon amour, pourquoi aujourd’hui plus qu’hier mon âme est-elle rongée par la funeste certitude que l’océan[1] ne tardera pas à se venger de ta hardiesse ? Dans mes rêves ou mes cauchemars, je le vois qui t’accueille en héro, comme le voudrait l’imaginaire populaire, cultive ta légende et te hisse au rang des géants. Et me voila déjà seule avec ma douleur, le cœur en pleurs, l’âme en peine : tu me laisse la morsure brûlante de notre amour, nos souvenirs pour m’abriter de la douleur, et cette vie qui en moi éclot, mais que jamais tu ne verras jaillir à la lumière !
Mais le fil du temps semble être étranger aux contingences humaines ! En cette fin du mois de juin, la cité se délecte goulûment des premières bouffées chaudes et parfumées d’un été qui s’invite avant l’heure ; adouci par le vent d’est qui souffle de la mer, le printemps, finissant, s’ingénie à s’attarder.
*
L’été s’achève et la cité aborde l’automne encore assoupie, paresseuse, presque insouciante. Pourtant, son ciel d’azur ne peut gommer les signes trop visibles d’une pauvreté qui, doucement, nous plonge dans la crasse. Chaque jour, les vivres nous manquent un peu plus. La course n’est plus qu’une chasse aux provisions, à la nourriture. Six ans plus tôt, alors que sévissait la famine, Dey Hadj Ali avait exhorté les Raïs à s’emparer des bateaux de commerce navigant vers les pays chrétiens et chargés de provisions de bouche. De nos jours, le trésor de l’Odjak ne se reconstitue plus. Les Janissaires, indisciplinés, perdent de leur superbe, bien qu’ils possèdent encore une capacité de nuisance qui maintient vivace leur instinct de révolte.
À cette période, le Dey Omar devait impérativement trouver les moyens d’assurer la paie de 30 000 à 40 000 janissaires, dont 3000 à 4000 actifs, prêts au pire dans l’hypothèse où il ne recevraient pas leur paie aux échéances fixées.
L’Odjak a besoin de nouvelles recrues turques pour faire face aux révoltes des tribus de l’intérieur et aux périls qui menacent de l’extérieur. Cela fait plusieurs mois que le Dey sollicite du Sultan d’Istanbul l’autorisation d’enrôler de nouveaux Janissaires, mais il est confronté au manque d’argent, d’autant que dans le beylik du Titry, l’insurrection est ravivée sous l’impulsion des tribus du sud ; dans la Mitidja, les Flissas commettent des razzias en toute impunité. Enfin, dans le Beylik de Qaçqntîna et sous l’incitation de Mohamed Tchakeur[2], un soulèvement durable rend très aléatoire le recouvrement de l’impôt. Lugubre est l’horizon d’al-Djazâïr ! Quant à l’avenir du Dey Omar, il est plus que compromis.
Néanmoins, le mois de septembre s’achève dans l’apaisement. Les après-midi, le voisinage de la marine[3] est délicieusement ombragé, rafraîchi par les courants d’air se faufilant entre les voûtes et les piliers séculaires ordonnés en portiques ; les variations de lumière impriment des ombres mouvantes qui ajoutent à la magie des lieux, si bien que l’on se laisse alors aller sans lassitude à la contemplation des compositions qui défilent dans l’encadrement des arcs brisés.
La pénombre s’amuse, au fil des heures, à habiller de mystère la blanche apparition d’une femme drapée dans son haïk de soie immaculée, confère un air d’intrigue au passage furtif d’une juive fortunée, à la taille élégante mise en valeur par une tenue aérienne dénuée du voile.
Je me dirigeai vers le môle quant j’entendis la note gaie d’une voix qui familière ; je me retournai et aussitôt m’écriai :
« Raïs Allouache, on t’aurait donc enchaîné au quai, vieux corsaire ?!
— Eh oui, jeune ami ! Nous sommes désormais ferrés au port ! La mort de Raïs Hamidou a détruit nos dernières illusions. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que le Dey Omar, que Dieu le maudisse ! — courbe l’échine devant les Américains et fait semblant d’obtempérer aux injonctions du Grand Sultan.
— En effet, prononçai-je, dans sa position actuelle, Omar Bâcha ne souhaite pas s’aliéner l’appui du Sultan.
— En son temps Dey Hadj Ali fit peu cas du firman[4] envoyé par Mohammed Agha lui enjoignant de cesser de courir sur les navires de commerce des pays alliés. Il ne nous reste que l’amertume d’un temps si proche et cependant révolu, le temps où le prestige des Raïs se mesurait à la richesse de leurs prises ! Sois maudit, Dey Omar ! lança au vent Raïs Allouache.
Un long silence suivit. Le regard perdu dans l’horizon de la mer, le vieux corsaire parut en proie à une émotion intense qui, un instant, altéra ses traits ; puis, de nouveau, son visage cuivré s’éclaira. Il reprit :
« Vois-tu, nous fûmes plusieurs à penser que la rivalité commerciale entre les gouvernements chrétiens, sur toute l’étendue des mers du monde, allait nous garantir une liberté d’action jusqu’à la fin des temps. Et l’hypothèse la plus sévère que nous envisagions était de nous limiter à courir les navires des petites nations, les grandes puissances, s’acquittant du tribut qui leur serait dû, garantiraient ainsi la sauvegarde de leur commerce.
— Malheureusement le Dey voulait rentrer dans les bonnes grâces du Sultan, et il vous empêcha de courir contre les vénitiens, les Russes, les Suédois, et d’autre...
— Cette maudite paix ! » s’exclama Raïs Allouache, en embrassant du regard l’étendue de la baie ; son regard le regret amère d’un qui n’était plus.
Il fit quelques pas, puis revint vers moi et prononça :
« Il voyait juste, mon jeune ami !
— Qui donc ?
— Raïs Hamidou, pardi !
— Et…, et en quoi voyait-il juste ?
— Eh bien ! il avait compris que tant que Napoléon Bonaparte se dressait en conquérant face aux autres puissances, nos Raïs avaient les coudées franches, et nul ne songeaient à nous inquiéter ! Dieu conserve Bonaparte ! disait-il, admiratif Hamidou. » Un long silence suivi. Nous cheminions côte à côte sur le môle vers bordj J’did, en multipliant les haltes, sans échanger un mot.
Le port est étonnamment calme, la foule désœuvrée ne l’avait pas investit depuis le blocus Américains. La plus part de nos corsaires sont encore en croisière et l’on ne distingue qu’une rangée de barques canonnières ainsi que les dépouilles calcinées de la frégate et du brick rendus par le commandant Decatur.
Nous nous arrêtâmes. Raïs Allouache posa sur moi son regard brûlant de vieux loup de mer, et dit :
« Il fut un temps où ce quai ne désengorgeait pas. Il y avait en permanence vingt, trente navires…peut-être davantage ; ils emplissaient la darse. Le chassé croisé interminable des bateaux de commerce étrangers et les prises fréquentes de nos corsaires animaient en permanence ces lieux. Nous ramassions alors à tour de bras les richesses de la chrétienté ! »
Et, comme s’il ployait sous le poids de ses propres souvenirs, d’une voix éteinte, il murmura :
« Je ne me nourris plus que du souvenir de ces heures fastes. Pourtant, l’espace de quelques années, Raïs Hamidou et quelques autres téméraires nous ont fait retrouver les temps glorieux de notre marine ! Sais-tu que quelques fois les janissaires et les marins embarqués à bord de nos vaisseaux gagnaient en une seule campagne de quoi vivre des années entières ?
— Oh oui ! Il y aurait eut des prises miraculeuses ! À ce sujet, était-il vrai que Raïs Hamdan[5] eut prît deux bateaux richement chargés, qui auraient rapporté à chacun l’égal de douze années de solde ?
— C’était il y a longtemps. Et c’est rigoureusement vrai ! On pouvait faire fortune le temps d’une croisière. Hamdan et Hamidou se sont constitués des fortunes considérables en seulement quelques années.
Raïs Allouache se tut. Son visage trahissait une profonde désolation. Je regarde longuement sa face grêlée tannée par le sel et le soleil et l’exhorte :
« Raïs ! la course n’est pas tout à fait éteinte, si nous respections le pavillon des grandes puissances, celles-ci seraient, dit-on, prêtes à tolérer que nos corsaires courent les navires des petites puissances.
— Peut-être bien. Pour ma part, j’incline à penser que les carottes sont cuites ! Si l’Espagne obtenait du Dey un accord de paix et que, de leur côté, les Anglais, qui s’évertuent à acheter la paix en faveur du Portugal, réussissaient, prendre la mer ne rapporterait plus aucun bénéfice!
— Sacrebleu ! il restera toujours les Danois, les Grecs, les Siciliens et autres Napolitains à courir sus ! rétorquai-je, sur un ton badin. De plus, en Europe on ne parle que de Napoléon Bonaparte ; il vient de chasser de nouveau les Bourbons et serait une nouvelle fois acclamé par le peuple français. Cet homme a toujours eu le don d’imposer la paix au moyen de la guerre ! Vous auriez de nouveau les coudées franches Raïs ! »
Mon compagnon coula sur moi un regard plein d’ironie.
Nous atteignîmes bordj J’did. Sous sa voûte, l’air est délicieusement rafraîchi par les courants marins qui courent le long des corridors reliant les forts entre eux jusqu’aux vastes magasins voûtés destinés à l’entreposage des mâtures.
L’après-midi est déjà largement entamée, la darse prend de l’ombre. À hauteur de bordj Esserdine[6], nous longeâmes le quai vers le sud en direction de bordj Ras el-Moul, à l’extrémité du môle. Cette succession de forts trace une ligne de défense ininterrompue. Je ne verserais pas dans l’excès en disant que près de trois cents canons de gros calibre, dont une bonne moitié est installée dans des casemates, scrutant l’horizon en direction du large, dissuadant toute incursion ennemie dans les eaux de la rade.
Depuis cette position, la cité nous fait face derrière son rempart, légèrement embrumée par les vapeurs crépusculaires. Pris dans l’ombre déjà épaisse des flots assombris, le pied du rempart paraît vouloir engloutir la cité dans l’écume qui dévore le rocher.
Les marins vous diront que ce rivage est fantaisiste, capricieux, imprévisible et perfide ! Paisible sous un vent d’est faiblissant au coucher, il peut s’éveiller monstrueux au point du jour, remué par une mer grosse, redoutable, capable de dévorer le navire qui s’enhardit trop près des côtes.
Raïs Allouache et moi passâmes un long moment à l’extrémité du môle. En face, les pieds dans les flots, la cité s’apprête à recevoir la parade du clair obscur qu’orchestre chaque soir le crépuscule qui déjà étreint la mer.
A l’entrée de bordj Ras el-Moul, mon compagnon me saisit par la main et m’entraîne à l’intérieur. « Les quinze janissaires qui forment la Sofra[7] cette année comptent tous parmi mes familiers, expliqua t-il alors, la plus part ayant eu à apprécier nos largesses à l’occasion de nos retours triomphants, après de longues et fructueuses croisières.»
L’entrée du fort ouvre sur un vestibule extérieur, où se tient un Janissaire en faction. Il reconnut immédiatement mon compagnon et s’écria :
« Raïs Allouache, quelle bonne surprise ! » Et d’ajouter : « Sois le bienvenu chez les Janissaires.»
Les temps n’étant guère à la crispation, l’escouade semble avoir pris quelque liberté en s’égaillant le long des quais. Mais s’était le chef canonnier que nous désirions rencontrer. Une minute plus tard, ce dernier apparut, les bras tendus et la mine épanouie, décidé à déverser sur mon ami un flot d’hypocrisie, car tous savent à présent que la prodigalité naguère légendaire des Raïs a vécue et qu’il ne reste plus rien à grappiller dans leur voisinage. N’empêche, sait-on jamais !
Après force embrassades, je fus présenté et j’eus droit à une accolade, en tant que jeune ami du Raïs. Nous grimpâmes sur la voûte où nous débouchâmes sur une terrasse à parapet.
Bordj Ras el-Moul clôt en quelque sorte la ligne de défense de la marine en présentant deux étages de feu alignant quatorze bouches à canons armées.
En ces lieux, on savoure presqu’involontairement une sensation de puissance que suggère les ouvrages défensifs de la mer. Comme grisé par cette sensation, Raïs Allouache promena son bras en écharpe et déclama :
« Nous pouvons encore régner mille ans en maîtres sur cette mer, la protection de cette formidable ligne de feu ! L’imprudent qui oserait braver Baba Merzoug[8] (gisant sous la voûte) s’exposerait inexorablement au feu de l’enfer.
Son geste grandiloquent l’entraîna dans une courbe aérienne par dessus la balustrade, au moment où il achevait d’articuler le dernier mot. Puis, comme pétrifié dans cette posture invocatrice, le corps figé, les yeux exorbités, il s’écria :
« La fin des Raïs est là, inscrite dans le sang des défenseurs de cette frégate qui vit mourir le meilleur d’entre-nous ! »
Elle était là, la Frégate de Hamidou, triste dépouille déjà à l’oublie dans cette anse discrète formée par les rochers qui affleurent tout le long de l’enceinte extérieure des forts ; désarmée, démâtée et éventrée, elle n’est guère plus qu’une épave incandescente abandonnée au soleil couchant.
Il était temps que nous rentrions. Nous franchîmes bab d’zira et nous enfilâmes la voie éponyme vers al-Kahwâ al-Kabira (le Grand café).
Les liens de Raïs Allouache avec certains personnages influents au Palais lui valent d’être tenu informé des réalités financières et militaires, et comprendre le jeu des influences au sein du Diwân et autour du Dey.
Je lui demandai donc s’il pensait que le Dey allait réellement mettre un terme à la course. Il me répondit :
« Voici comment je vois les choses, mon jeune ami. Dans les circonstances présentes, le Dey Omar manque de Janissaires, de canons, de munitions et d’argent ; il a donc adressé une requête dans ce sens au Sultan d’Istambûl. Le ministre de la Marine du Sultan, Mohammed Husrew, présent parmi nous depuis le début du mois de juillet, aurait attiré l’attention du Dey sur les menaces qui se précisent, compte tenu de l’hostilité générale du monde chrétien à notre égard. Ce n’est certes pas nouveau, mais encore une fois, les opinions au sujet d’une guerre unissant les forces de l’Europe contre notre marine ou ce qu’ils appellent « la course des barbaresques », a fait du chemin dans l’esprit des souverains.
— Là dessus, je vous le concède, dis-je. Vous pensez donc que le Dey s’efforce de monnayer des subsides ?
— Notamment en renonçant à courir sur certains pavillons ! »
Sur ce, nous nous séparâmes. Tout en marchant, l’image du brick aperçu dans la darse me hantait. À présent je suis mieux fixé. Il s’agit du second bateau pris par les Américains. Ce fut un magnifique brick à 20 canons qui connut ses heures de gloire, sous le commandement de Raïs Mustapha el-Malty.
Fin du récit huitième. À suivre. Fodil Hassam.
[1] - Depuis la signature du traité de paix avec le Portugal, en 1912, l’océan est devenu le terrain de chasse de prédilection des corsaires d’al-Djazâ’ïr. Les grands Raïs y puisèrent fortune et popularité. En Europe, le commerce y était florissant et les bateaux de commerce, richement chargés [Espagnoles, Portugais, Américains, Génois, Danois, Hollandais], offraient de belles prises.
[2]- Mohammed Tchakeur, Bey de la province de Constantine.
[3]- Traduit par al-Marsa.
[4]- Lettre enjoignant au Dey l’obéissance à une directive ; message du Grand Sultan.
[5]- Frère de Raïs Hamidou.
[6]- Mot évoquant le poisson.
[7]- Escouade de 15 Janissaires.
[8]-Bab Merzoug est un super canon, d’une portée de 5 kilomètres (deux lieux et demi). Les canonniers turcs le pointent avec une précision redoutable !