Chronique de l'économie algérienne
Les chemins d'une croissance retrouvée
1986 - 2004
Les chemins d'une croissance retrouvée
Ce travail est
le contenu d'un livre publié en 1984, mais qui n'a pas été diffusé sur le net. Je prends donc, dans un premier temps, l'initiative de le mettre à la disposition du lecteur, dans son
intégralité, sur les pages de mon blog, avant de proposer, ultérieurement, une version mise à jour et actualisée, reprenant le fil de la chronologie jusqu'à 2009, avec, naturellement, une
réadaptation des analyses et des conclusions.
En effet, les quatre années qui nous séparent de la date de publication de ce livre ont inroduit beaucoup de changements dans la perception des politiques publiques, les objectifs et les
finalités, changements intervenus sous l'effet de la conjoncture et du comportement des acteurs nationaux et étranger, l'attitude des opérateurs internationaux et l'évolution du contexte
financier et économique mondial.

PRÉAMBULE
L’économie algérienne se présente au regard de l’observateur tel un interminable
chantier à ciel ouvert.
Après une première phase enthousiaste de construction socialiste portée par un concept et des idéaux, soutenue et nourrie par une conjoncture financière internationale favorable succéda une seconde période faite de « déconstruction », de recomposition et, pour user d’un terme très tôt consacré, de restructurations durables.
Une période faite également d’hésitations, d’absence de conviction, de reflux au gré des gouvernements ; une période dépourvue de détermination où le sentiment d’irresponsabilité des hommes et des femmes chargés d’assumer un objectif de réforme a dominé, objectif avec lequel ils se sont refusés à s’identifier.
Sous l’effet de la poussée libérale qui submergea l’économie mondiale et vit les monopoles naturels se démanteler au sein même des économies capitalistes au début des années 80’, alors que les marchés de la dette et pétrolier internationaux se détérioraient, s’est imposée l’exigence de changement du mode de gestion de l’économie ; les structures d’une économie de rente devaient céder progressivement la place à une organisation fondée sur les structures de marché.
La détérioration de la position extérieure du pays après 1985 hissa au rang de priorité l’exigence de performance de l’appareil de production, déjà profondément recomposé et éclaté en plusieurs dizaines d’entreprises mieux dimensionnées[1].
La réorganisation du système économique se fera dès lors par touches successives et lentes. Mais les changements ne touchèrent que la structure de l’économie.
La culture et les valeurs qui fondent cette orientation inédite ont été négligées dans la précipitation. Ce décalage a bien sûr considérablement affecté la conduite des réformes.
Le défaut d’assimilation d’une culture libérale désormais dominante et l’absence d’une approche conceptuelle ont imprimé un caractère impersonnel aux actions de réformes, qui ne furent pas endossées par les cadres et fonctionnaires chargés de les exécuter. Si bien qu’elles apparurent au commencement, mécaniques et vides de toute substance idéologique.
A défaut d’une démarche cohérente d’ensemble, l’émergence de figures porteuses de valeurs libérales adhérant volontairement au concept de marché conféra une identité et un objectif.
LA DÉMARCHE
La finalité première de ce travail est de livrer au lecteur une masse d’informations fiables et utiles sur divers secteurs de la vie économique et sociale.
La démarche s’est voulue délibérément chronologique, avec une pointe de pédagogie pour le lecteur qui aborde l’économie pour la première fois, à travers une relation ordonnée des faits constituant à l’époque de leur déroulement l’actualité du moment. Le lecteur notera que nous nous sommes efforcés de couvrir les faits au plus près de l’actualité. L’année 1986 nous a servi à ancrer cette chronologie, car c’est à partir de là, avec la chute brutale des cours du pétrole sur le marché international, la contraction drastique des recettes pétrolières et la fragilisation de la position extérieure de l’Algérie que fut envisagée une réorientation de l’économie.
Le gouvernement de l’époque avait réagi en mettant en œuvre un plan d’ajustement structurel volontariste, qui n’a jamais été mené à son terme.
C’est une démarche d’observation attentive des politiques publiques en matière économique, sociale et financière dépourvue de tout subjectivisme excessif, car le regard porté sur cette longue période, s’étendant sur près de 18 ans, est celui d’un journaliste pourvu du privilège de s’adresser directement aux acteurs et d’observer de près leur action.
L’économie est d’abord l’articulation d’un faisceau d’activités, à l’intérieur duquel interviennent et se croisent des acteurs publics et privés.
De ce fait, vouloir aborder une aussi longue période de l’économie algérienne sans synthèse, sans choix délibérés quant aux faits et périodes à privilégier aurait rendu la tâche proprement irréalisable.
Depuis 1986, plusieurs gouvernements se sont succédés, quelque fois à intervalle très court, et furent tous à l’origine de programmes d’action propres, présentés devant l’Assemblée nationale et ainsi adoptés.
Toutefois lors de la période comprise entre 1986 et 1993, les équipes qui se sont succédées ont été porteuses chacune d’un programme dont le moins qu’on puisse en dire aujourd’hui est qu’il contredisait la démarche de l’équipe précédente.
A partir de 1994 et jusqu’à nos jours, une relative constance s’est instaurée, car l’action des différents gouvernements avait été sous-tendue par les impératifs et les objectif d’un plan de réforme de l’économie, tel que signé avec le Fond monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM).
Nous nous sommes donc focalisés sur cette dernière période car elle fut cohérente et inaugura une méthode de gestion nouvelle, proche de l’orthodoxie, tout particulièrement en matière de Finances publiques.
Aussi, lorsqu’on entreprend de restituer une chronologie se rapportant à la gestion économique et sociale de cette période, on ne peut que concilier rappel des faits et analyse, synthèse et sélection rigoureuse des données devant soutenir le raisonnement.
Ce livre ne propose par conséquent pas une problématique unique autour de laquelle s’ordonne toute la construction ; il s’attache à rendre compte d’une évolution réelle dans la gestion des affaires tout en s’accordant le privilège d’orienter l’analyse à travers une présentation critique de l’ensemble.
Pour des raisons évidentes de méthodologie, il a fallu opérer des choix dans une masse considérable et ne retenir que ce qui est susceptible de rendre intelligible les changements apportés à la gestion du pays.
Découpage historique
Ce travail est organisé en parties et chapitres correspondant aux principaux secteurs d’activités :
Les Finances, la Banque, la Monnaie, la Fiscalité, les Douanes, l’Entreprise, la Privatisation, l’Emploi et la Retraite.
Cette façon de faire rend plus aisée la lecture et la compréhension par compartiment.
Pour autant, le souci de préserver le fil d’Ariane servant à l’articulation globale, reste en permanence présent.
Le lecteur est convié à établir les liens par des renvois fréquents à des notes explicatives. Si bien que la lecture des différents parties aide à accéder à la perception des changements sur près de vingt ans de réformes économiques.
Trois principales périodes des réformes économiques apparaissent.
La première débute en 1985/86.
C’est une phase de régression brutale de l’économie due à la baisse des cours du baril du pétrole sur le marché mondial.
Elle sert donc à introduire et à délimiter le champ historique.
Couvrant près de huit années, cette période amorça, selon notre analyse, la première rupture sur le plan de la doctrine.
Mais une rupture non encore acceptée ni assimilée, l’économie fonctionnant toujours selon un mode étatique rigoureux.
Toutefois au sein de l’établissement, s’est faite une brèche par où s’est introduite l’exigence de recomposition de l’économie selon des structures plus proches du marché. Le ralentissement de la croissance éleva alors au rang de nécessité impérieuse un ajustement structurel qu’on voulut volontaire et sans assistance directe des institutions de Bretton-woods.
La seconde période s’étend de 1994 à 1998.
C’est par excellence celle des réformes structurelles conduites conformément aux règles d’une orthodoxie propre au Fonds monétaire international (FMI).
Budget, dette publique, prix, monnaie… font l’objet d’une gestion revisitée dans un objectif de stabilisation macro-économique.
Lors de ces quatre années tous les compartiments de l’économie subirent un profond changement sous la forme d’actions de restructuration / réorganisation.
C’est donc une étape charnière entre la première et la dernière, et qui se poursuit aujourd’hui encore, en 2005.
Elle se justifie en ce qu’elle inaugure et clôture l’accord avec le FMI.
Les bases d’une méthodologie de gestion plus rationnelle furent jetées et des règles ont été durablement instaurées.
Ce qui, en contexte de déséquilibre de l’offre et de la demande sociale, n’a pas manqué de susciter des crispations au sein de larges franges de la société.
En outre, l’essentiel de l’édifice juridique et législatif du marché est mis en place, mais n’intervint que plus tard.
De 1999 à 2004 s’est écoulée la troisième période, au rythme d’une aisance financière retrouvée.
Le mode de gestion est désormais bien assis, avec ses finalités et ses règles auxquelles ont ne dérogea guère plus : épargne budgétaire, désendettement public…
La combinaison d’un raffermissement des positions extérieures (finances) et une rigoureuse gestion ont rendu possible un investissement public générateur de croissance (plan triennal de relance de la croissance économique).
Les différents thèmes sont donc abordés aux chapitres correspondants selon cette chronologie, mais des passerelles établies entre les chapitres rendent possible une perception d’ensemble.