Légitimité politique du pouvoir algérien : invocation messianique et apocalypse
Le prophète est-il mort ?
Sous la gouvernance du clan Bouteflika, le génie inventif du personnel politique avait atteint son summum avec la diffusion d’un discours messianique invoquant l’apocalypse et les enfers auxquels était vouée la nation algérienne, sans la venue d’Abdelazziz, le prophète inspiré de Dieu. Quelle meilleure légitimité que celle de l’homme sacré par le Seigneur, venu pour faire régner la paix et la justice éternelles sur la terre d’Algérie ! Qui donc oserait méconnaître ce Roi juste ?
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ngénieuse forgerie pour parer à l’impasse politique et financière générée par la brutale et durable plongée des hydrocarbures sur le marché mondial, en 2014!
La rente avait fondu et, dans sa furie, avait rompu le pacte social qui, dès 2011, période de hausse exceptionnelle de la rente pétrolière et gazière, rétablissait une fragile cohésion au plan politique et une paix sociale encore plus fragile.
Le « pacte social parental » qui nous liait au régime depuis la hausse des cours du pétrole des années 70’ déléguait au pouvoir militaro-civil la gestion du pétrole en contrepartie d’un État- providence (paix sociale contre une redistribution relativement équitable de la rente pétrolière) ; cette gouvernance avait sombré, en 1988, dans les violences générées par le tarissement de la rente et ses effets pervers : intensification du chômage parmi les jeunes, dégradation des conditions de vie, répression politique,etc.
Dans un contexte d’affrontement des factions militaro-civiles au pouvoir autour de la rente pétrolière, la situation interne avait dégénéré en guerre civile, guerre enclenchée par le pronunciamiento du général Nezzar et les autres hauts gradés de l'armée, dès le début des années 90'.
Abdelazziz Bouteflika avait reconduit ce paradigme de la gouvernance politique, ce même pacte social lorsque les prix du pétrole se sont relevés, à partir de 2010, désamorçant par cela même le risque d’un printemps arabe en Algérie par la redistribution d’une part de la rente pétrolière et gazière.
Le régime incarné par le président de la République, tentant de pérenniser l’ordre établi et d’instaurer une monarchie républicaine, investit avec frénésie dans le clientélisme, la prébende politique et la corruption systématique, s’appuyant sur une oligarchie financière et industrielle et une fraction du haut commandement de l’armée et des services de sécurité. Mais voila que ce modèle est ruiné par la décente aux enfers des cours du pétrole brut, en 2014.
Les temps évoluant à contre-courant des périodes passées - celle des années 90- la violence que le régime génère fonde un lien inédit, un lien social que nourrit un rêve commun : celui d’une société libre, démocratique, juste et équitable : le modèle de société revendiqué le mouvement de protestation populaire.
Or que font de nouveau le collège les généraux-majors et l’actuel président, Abdelmadjid Tebboune ? Ils s’efforcent de faire perdurer le même ordre établi sur les ruines d’un pacte social que ni le contexte économique et financier, ni le contexte politique ne soutiennent guère plus.
Irrémédiablement contesté par l’écrasante majorité du peuple, Abdelmadjid Tebboune voudrait tenter de regagner un semblant de légitimité en jouant la carte incertaine d’une nouvelle sanction populaire, imposant un projet de réforme de la constitution, d’ores et déjà rejeté par une grande partie de la société.
Toutes choses risquant d’entraîner le pays vers des horizons incertains. Incertitudes d’un État-providence en dépérissement en raison d’une économie dévastée, et à laquelle l'industrie pétrolière, durablement assise dans la régression, participe à ôter toute résilience.
Cette gouvernance par le déni d’un nouvel ordre social et politique fondé sur la refondation de la République par le passage à la démocratie, passage consolidé par un processus constituant, n’est rien de moins qu’une nouvelle dérive autocratique du régime en place ! F H.