Sommes-nous au levant d’une révolution ?
Depuis près de deux mois, aux quatre coins de la terre d’Algérie meurtrie par l’histoire, se révèle la force de l’opinion et le puissant sentiment populaire.
Cela fait vingt ans que l’opinion publique algérienne fait appel à la conscience démocratique de l’État algérien, à travers d’innombrables marches et manifestations catégorielles et partielles, mais les gouvernements n'ont répondu que par la violence et la répression. Constatant amèrement que cette conscience démocratique n’existait pas, le peuple rumina une colère sourde qui s'est nourrie au fil des jours de tous les excès d'autorité, des dépassements innombrables, d'atteintes aux personnes et aux ressources de la nation, d'une gestion malsaine et immorale des richesses du sous sol et de la terre...!
Le fulgurant mais néanmoins pacifique mouvement populaire enclenché le 22 février dernier et répété de semaine en semaine jusqu'à ce 19 avril, prit aussitôt les allures d'une patiente marche vers une révolution. J'évoque la révolution en pensant à John Berger, qui notait il y a de très nombreuses années (...) "que les manifestations de masse sont des répétitions pour la révolution (…) »
En poursuivant sa démonstration de masse à l’échelle de tout le pays, le peuple algérien ouvre la voie à une conscience révolutionnaire qui se structure, bien que dans une sorte d'éparpillement, et que l'évolution des événements guide d'ores et déjà vers une représentation encore hésitante. Le peuple qui assimile et mesure au rythme des manifestations sa force collective, sa puissance totale en tant qu'entité soudée, s'apprête à suivre la voie de la légalité constitutionnelle, au fur et à mesure que tombent les obstacles sous sa poussée.
Le retrait de la candidature de l'ex-président de la République, Abdelazziz Bouteflika, la démission du président du Conseil constitutionnel, Belaïz Tayeb, ainsi que la proclamation de l'engagement de l'Armée algérienne aux côtés du peuple, balisent déjà le parcours vers la représentativité du mouvement populaire et sa future action dans le cadre d'une transition constitutionnelle. Les signes d'un consensus dans cette direction sont à présent perceptibles, mais c'est le départ du gouvernement qui éclairera définitivement cette voie!
Le peuple clarifie ses revendications
Clairement le mouvement focalise sur l'exercice de sa souveraineté populaire, selon les dispositions des articles 07 et 12 de la constitution, l'exercice de la démocratie dans un contexte de liberté et de sécurité, la protection et la réappropriation des richesses nationales et, par dessus tout, le droit de déférer devant une justice indépendante les gens du sérail convaincus d'enrichissement illégal et d'appropriation des biens de la communauté nationale.
C'est toute l'aristocratie gouvernementale, le patronat privé dont les membres se sont enrichis abusivement en recourant au trafic d'influence et aux abus d'autorité, les dirigeants des sociétés stratégiques comme l'entreprise nationale du pétrole, les officiers supérieurs des services de renseignement, de l'armée, de la gendarmerie et les hauts gradés parmi les services de sécurité nationale.
Crânement, le peuple algérien se dirige vers une révolution: dans la paix et le rire, l'ironie et la créativité. Cependant, une révolution déterminée à enterrer les vingt dernières années d'abus et de ruineuse gestion de l'Algérie, et à ouvrir une page de liberté, de tolérance et de convivialité au sein de la nation. FH.