LE PLAN DE RELANCE TEBBOUNE
Dans l’attente de résurgence de la rente des matières premières
Annoncé à grand renfort de trompettes et adoubé sans esprit critique par les médias locaux, le plan de relance du gouvernement Tebboune est expurgé des facteurs essentiel à une véritable relance fondée sur l’innovation et l’idée d’une économie du savoir ouverte sur une vision qui anticipe la nature les besoins futurs ; au vrai, ce n'est qu’une coquille vide qui fait illusion, dans l'attente d'un retour vigoureux de la rente des matières premières !
Selon la définition d’experts, un plan de relance se définit comme un ensemble de mesures, correctement articulées et finement ajustées aux particularités de l’économie locale, dont la finalité est de répondre aux enjeux immédiats et de moyen terme.
Dans le cas de l’économie algérienne, le retournement du marché mondial des hydrocarbures (pétrole et gaz) a généré des risques d’irréversibilité dans le tissu économique et au sein de la société, risques de démantèlement d’entreprises et de destruction massive d’emplois.
Des risques que nourrissent les faiblesses mêmes de la structure de l’économie algérienne, lesquels pourraient se résumer en ces quelques points :
- Absence de diversité.
- Handicap de compétitivité.
- Incapacité d’accéder aux marchés extérieurs hors hydrocarbures.
- Corruption et mauvais management. [Notamment l’absence d’un management stratégique].
- Dilapidation des ressources en devises fortes.
Chacun des ces facteurs est à la fois cause et effet des politiques mises en œuvre.
Techniquement, le plan de relance du gouvernement Tebboune est séquencé selon les principes usités en la matière, à savoir qu’il couvre l’immédiat, le court et le moyen terme…, jusqu’à 2024.
Les grandes lignes de ce plan suggèrent certes un ensemble de mesures, mais des mesures compilées répondant au principal souci d’éviter le risque de dégradation structurelle des finances publiques – le solde du trésor et le déficit budgétaire.
Avare jusque-là de détails sur l’architecture définitive de son plan et sur les mécanismes de son financement, le gouvernement Tebboune révèle néanmoins que son plan comporte sur le papier trente sept sections. Il évoque le chiffre abstrait de 20 milliards de dollars qui seront dédiés à son financement, libérables dès le début de 2021: « Immédiatement après le début d’application intégrale du plan de relance », selon le Conseil des ministres. Vingt milliards de dollars dont la provenance demeure incertaine, car il s’agirait de les glaner d’ici et de là.
Cette affirmation répond peut être à la préoccupation d’un financement non budgétaire de la totalité des mesures décidées, tant il est vrai que l’ensemble des indicateurs financiers et commerciaux dissuadent tout appel à des dépenses budgétisées.
Mais lorsque l'on annonce que cette somme provision de la récupération des réserves locales d’or à partir des fonds gelés au niveau des douanes et ceux saisis au niveau des ports et aéroports, nous demeurons forcément dubitatifs sur la question du financement de ce plan de relance.
Chapitre relatif au secteur de l’énergie
Dans un contexte de repli persistant du marché pétrolier et de baisse structurelle des cours du GNL et du GN, tel qu’il apparaît dans le tableau, le plan de relance prévoit l’exploitation des réserves de GN et de pétrole non exploitées pour lesquelles, est-il dit, des études seront engagées.
Faut-il être expert pour penser qu’il est hasardeux, dans le contexte actuelle de déprime du marché international des hydrocarbures, de vouloir s’appuyer sur des gains de production pour alimenter la croissance d’ici à 2024. Hormis à se projeter dans une perspective de reprise de l’économie mondiale au-delà du moyen terme, le secteur du pétrole et du gaz n’offre guère les leviers nécessaires à une relance économique sur les trois prochaines années.
Pour le reste, les mesures de suspension des importations des produits raffinés et du brut visent également un objectif d’économie des devises.
Chapitre relatif à l’industrie et la création d’entreprises
Dans les secteurs spécifiques de l’automobile, des pièces détachées et de l’électroménager, le plan de relance tente de fonder la croissance dans ces différentes industries sur une expectative, une attente : l’hypothèse d’un cahier des charges qui, une fois élaboré et entré en vigueur, inciterait à l’investissement national. Là également, il y a de quoi rester dubitatif !
Il est curieux de constater que ce plan reprend la rhétorique habituelle, appréhendant la création d’entreprises seulement dans ses aspects de facilitations administratives et de soutien financier indéterminés.
Par ces deux mesures, le plan n’apporte aucun éclairage sur le modèle de croissance recherché, il n’envisage nulle perspective orientée vers les besoins futurs du marché, en termes d’innovation et d’extension des débouchés commerciaux : il reconduit un concept de production de bien de consommation de masse, dans un contexte de faible compétitivité, et dans les limites étroites du marché intérieur.
Aussi, est-il difficile de concevoir que tels segments d’industries, qui se distinguent par une faible intégration technologique ne dépassant pas 10 à 15%, puissent être connectés aux marchés extérieurs, sinon sur le long terme. Le pari du développement de l’industrie de la pièce de rechange, susceptible de rendre l’exportation concevable et rentable, est forcément de l’ordre du long terme.
De toute évidence ce plan de relance n’insère pas le système économique algérien dans une anticipation de croissance future, portée par une vision industrielle et scientifique.
Chapitre relatif à l’industrie minière
Le plan de relance suggère un schéma de développement économique fondé sur l’exportation des matières premières, dont essentiellement les phosphates et le fer.
Que faut-il penser de cette option. Les économistes, dont nos propres experts, sont sceptiques à l’évocation d’une telle idée.
Depuis de nombreuses années le mouvement à la baisse du marché mondial des matières premières - en tout cas en ce qui concerne celles que nous évoquons- interdit de concevoir l’exportation comme le levier de relance d’une économie en récession.
Sur le marché mondial, les cours du fer et des phosphates sont depuis une décennie en forte baisse - dans une proportion dépassant le tiers. De plus, ce sont des industries qui nécessitent des investissements lourds, que l’Algérie n’a pas les capacités de réaliser sans des partenariats étrangers.
Toujours selon les experts, quant bien même les projets sont fin prêts, il faudrait sept, huit ou neuf années avant d’atteindre un stade de rentabilité susceptible de générer une plus-value moyenne.
Quelques observations :
Les contextes internes et externes, au plan financier et commercial, rendent assurément problématique le financement d’un tel plan de relance.
D’une part, le marché du pétrole et du gaz s’annonce décevant pour 2021 et vraisemblablement les deux années suivantes. Selon les institutions internationales, à fin 2020, le cours du baril de pétrole Brent atteindrait difficilement 40 dollars (en dollar constant).
Or, le dollar perd de sa substance durant cette période (en glissement annuel), aussi il y a lieu de considérer un manque à gagner sensible (tableau).
Au cours moyen de 40 $, à fin de 2020, les recettes issues de la vente du pétrole et du gaz avoisineront 21 à 22 milliards de dollars. En parallèle, selon les prévisions de la loi des Finances complémentaire, la balance commerciale est déficitaire de (-18,8 mds $), les importations de biens et services demeurant encore très lourdes. Toutes choses qui affectent négativement les réserves en devises du pays, puisqu’il est attendu entre 20 et 21 mds $ à la fin de cette année. Sur le moyen terme, en ce qui concerne ces deux agrégats, la baisse sera encore plus aiguë.
Conclusion :
Toute possibilité d’un financement budgétaire du plan de relance est exclue pour au moins les trois prochaines années. La détresse actuelle du système bancaire en terme de trésorerie, en contexte de faiblesse de la rente pétrolière et de vitalité du secteur informel, lequel aspire près de la moitié de ressources en espèces, neutralisent toute capacité des banques publiques à financer avec pertinence l’investissement.
C’est pourquoi, le plan de relance du gouvernement Tebboune n’est plus qu’une coquille vide, car il est expurgé des éléments essentiels d’une véritable relance, fondée sur l’innovation et sur l’idée d’une économie du savoir ouverte sur une vision qui anticipe la nature les besoins futurs.
En définitive, cette compilation de mesures urgentes, que l’on tente de faire passer pour un plan cohérent, masque très mal l’attente d’une résurgence de la rente des matières premières. F.H.